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Photo du rédacteurGalerie Borromée

Paola di Prima

Dernière mise à jour : 21 juin




Cosmographie


du 25 mai au 25 août 2024, à Simeyrols (Région Nouvelle Aquitaine),

vernissage samedi 25 mai de 18 à 20h

du 23 mars au 20 avril 2024, à Montpellier (Région Occitanie),

vernissage samedi 23 mars de 18 à 20h


Achat du catalogue: ICI



Cosmographie

 

 

Nous venons d’un abîme obscur ; nous aboutissons à un abîme obscur. L’espace de lumière entre ces deux abîmes, nous l’appelons la Vie.

                                                                 Nikos Kazantzaki[1]


 

  Il suffit de lever les yeux. Au-dessus domine l’immensité. Nous préférons, souvent, baisser le regard afin de ne pas voir trop grand, de ne pas nous effacer dans le chaos. Le paysage terrestre forme une fine ligne, ligne de flottaison, ligne de vie à laquelle nous tenons. L’horizon nous rattache à notre propre dimension, limite l’infini mais en nous l’infini s’est engouffré. Le langage en témoigne pour qui sait l’écouter.

Que recherche l’artiste (ou le regardeur) dans le paysage ? Sortir de lui-même ? Se ramener à sa mesure ? Y retrouve-t-il son propre vide ? Qu’éprouve-t-il dans la profondeur de la nuit des étoiles ? Se remémore-t-il l’étincelle qui le fit naître ? être  ? « Aie pitié de cette créature qui, un beau matin, s’est détachée du singe, toute nue, n’ayant pour défense ni cornes ni crocs, mais seulement une étincelle derrière son crâne encore mou[2]. »

Porosité entre la nuit et soi. Notre corps sert de foyer, lentille d’optique qui concentre au-dedans l’immensité du dehors … ou l’inverse ? En témoigne certaines expressions. En occitan, la cloison qui forme la partie supérieure de la bouche n’est pas un palais mais lo cèl de la boca[3]. L’horizon se dit lo pè del cèl[4]. Ce  qui donne toute sa valeur à ce qui se situe au-dessus  et relativise l’importance du monde d’ici-bas. Si l’horizon est le pied du ciel, la Terre devient un point d’appui pour Ouranos, le ciel d’airain, pour reprendre Homère. Malgré toutes les évidences,   l’anthropocentrisme est bien ancré en nous.

Dans l’obscurité la plus complète, Paola di Prima capte, capture puis relâche les lumières lointaines sur papier, sur toile. Pour qui fixe les étoiles, la nuit n’est jamais pleinement obscure. Elle s’engouffre en nous plus profondément que la pleine lumière du soleil – j’allais écrire la pleine nuit du soleil. Suspension de l’instant, des volumes, de l’espace, de l’être. Plus aucune verticale ni horizontale. Nous voici en apesanteur dans le vaisseau spatial de l’artiste – qui n’utilise ni brosse ni pinceau. Paola di Prima nous plonge dans l’univers, nous place dans l’espace sans limite, sans nous anéantir. Son approche des ténèbres permet à l’artiste de nous les révéler, l’immensité devient intimité. L’immense et l’intime sont semblables par leur absence de frontières. « L’immensité est en nous. Elle est attachée à une sorte d’expansion de l’être que la vie refrène, que la prudence arrête, mais qui reprend dans la solitude. Dès que nous sommes immobiles, nous sommes ailleurs ; nous rêvons dans un monde immense. [Et] si paradoxal que cela paraisse, c’est souvent cette immensité intérieure qui donne sa véritable signification à certaines expressions touchant le monde qui s’offre à nous[5]. » Les paroles de Gaston Bachelard nous éclairent sur ce que peut ressentir un regardeur face à l’œuvre de Paola di Prima. Qu’existe-t-il de plus intime que le ciel étoilé au-dessus de nos rêves ?

Dans ses photographies, Paola di Prima crée une cinétique du point fixe. Elle travaille la lumière comme un jongleur ses balles. « Avec elle [la photographie] pour la première fois, dans le processus de reproduction des images, la main se trouva déchargée des tâches artistiques les plus importantes, lesquelles désormais furent réservées à l’œil rivé sur l’objectif[6]. » Paola di Prima détache l’œil de l’objectif, la main retrouve sa vélocité créative. Les astres se mettent à parcourir une écriture que chacun peut déchiffrer comme sienne – une écriture oubliée dans l’éblouissement du silence. L’espace nous est offert. Un lointain nous accroche et devient proche. Il s’ouvre à nos songes dans une splendide indifférence. Nous ne sommes rien pour lui sinon un amas de molécules et d’atomes qu’il propulse sans aucun dessein dans le chaos en perpétuel mouvement.  

L’art n’est pas pour rassurer, il permet quelque peu l’existence. Des ocres des cavernes ornées aux messages numériques envoyés dans l’espace, l’art témoigne de notre passage. L’art donne subrepticement  à être.

  

Alain de Caprile

                                                                             Μασσαλια

                                                                         Automne 2023



[1] Kazantzaki Nikos (1988), Ascèse - Salvatores Dei, Texte établi par Aziz Izzet, Cognac : Éditions Le temps qu’il fait, p.21.

[2] ibid., p.55.

[3] le ciel de la bouche,  en traduction littérale.

[4] le pied du ciel, en traduction littérale.

[5] Bachelard G., (1943 [éd. 1994]), L’Air et les Songes. Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, José Corti, p. 300

[6] Benjamin W., (1939 [éd. 2022]), L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, folioplus philosophie, p.11









Paola di Prima

 

À propos

  

J’entretiens depuis toujours un rapport avec la nature, aussi je me positionne en tant qu’observatrice, curieuse des choses dont je cherche à m’entourer dans l’éloignement et la proximité, du terrestre au céleste.

La voûte céleste, surface changeante selon le degré de la nuit invite à la rêverie, à méditer sur le visible et l’invisible, à un possible ailleurs, à l’inconnu et cela  produit du merveilleux sous mes yeux. Le ciel profond enferme avec lui bien des mystères et nous pose la question de nos origines. Transportée vers l’infiniment grand, l’espace intersidéral se compose d’énergie noire, de matière noire dont on ne connait pas à ce jour la composition et de cinq pour cent de ce qui est l’univers nous est connaissable.  Pour employer une métaphore cela équivaut à un grain de riz qui en masse est extrêmement lourd.  De cette attirance émerge l’envie d’en savoir plus sur le cosmos, j’appréhende ma création  avec une certaine liberté.




 À propos de  mes photographies, dessins et peintures.

 

  Le  paysage de moyenne montagne dans lequel je vis, me convoque d’est en ouest à un rendez-vous pour admirer la voûte céleste le soir venue. Il captive mon regard du crépuscule à l’aube. Dans la profondeur de la nuit, par le biais de l’appareil photographique, je capte, j’enregistre la lumière des astres. De façon générale, la photographie sert à restituer le « réel ». Ce déplacement du réel me permet une poétique du trait qui évolue dans l’espace  infini, territoire-écran dans lequel je dessine à l’aveugle grâce à l’enregistrement de  la lumière. La façon dont je manipule mon appareil photographique est comme le pinceau qu’utilise le peintre. Il me permet de développer une graphie,  d’affirmer mes traits, qu’ils soient fins, épais, fragiles, sinueux, circulaires. La gestuelle prend forme dans ce territoire spatial.  Il m’arrive d’imaginer  et de créer  des nouvelles constellations en superposant  ces points lumières multipliant les prises de vues. Je garde  en mémoire mes gestes, ce qui incarnent  la lumière dans des formes géométriques et bientôt, lyriques. Donner corps à l’inconnaissable matière noire me projette sur les supports : toiles et papiers en général de grands formats. 

J’accorde une importance à la manière d’employer mes outils ; ils participent de façons intrinsèque  au sujet : des sphères encrées lancées sur le support Ils entrent en expansion dans l’espace de la toile et parcourent une trajectoire qui s’inscrit dans une durée liée à la vitesse de l’impulsion du départ. Ainsi, comme disait H Reeves, la matière s’organise elle-même. Par ce fait, je laisse une part à l’autonomie et à l’aléatoire de la matière : elle est  aussi importante que la pensée humaine, je pense que ces phénomènes coexistent. En d’autres termes : ce n’est pas l’homme qui a créé le big bang… !?. J’ai une certaine jouissance du faire comme l’enfant qui, sans retenue, s’adonne à d’inlassables dessins et, dans un élan vital, s’élance vers l’inconnu,

            Finalement cela ouvre perpétuellement des  fenêtres sur les possibles univers, propres à la création et à la science.

 

Paola Di Prima







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