Le poète et le peintre accueillis novembre 2017.
Pourquoi associer Raphaël Ségura et Patricio Sanchez Rojas?
D'abord il y a eu leur livre commun PLUME mais avant il y a eu Jean Joubert qui leur a accordé son amitié et avant tout cela il y a la terre occitane du Languedoc. C'est à Montpellier que les trois se sont trouvés. Le lieu est d'influence jamais anodin. Ma première grande rencontre avec les arts plastiques je la dois à Félix Marcel Castan et à sa Mostra del Larzac. Pour Félix la puissance du lieu est primordiale pour l’œuvre de l'artiste. Pour Félix le lieu passe avant la langue pour le plasticien mais le lieu est empreint de cette langue et des femmes et des hommes qui l'ont parlé, qui l'ont soutenu tout comme elle les a bâtis. Si aucun des trois, Jean, Raphaël ou Patricio, n'est de culture occitane, ils ont été chacun à sa manière captivé par le paysage, par l'histoire. La langue sait se rendre discrète, se tapir et battre à bas bruit. Ce que j'ai recherché dans cette rencontre entre l’œuvre du poète et celle du peintre ce sont les résonances, les échos de la condition humaine contemporaine. Leurs œuvres ni se commentent ni s'illustrent l'une l'autre. Elles transcrivent la douleur et la beauté. Avec Adeline, nous avons échangé toute une après midi avec Patricio à partir de son recueil Les disparus. C'est riche de nos paroles que nous nous sommes rendus, le jour même, à la rencontre de Ségura dans son atelier à Montpellier. Les tableaux que j'ai choisi se présentèrent d'eux mêmes. Ils avaient envie de venir au jardin de lecture. Ces tableaux attendent tous le retour des disparus. Comme vous avez pu le constater, ils sont vides de la présence humaine. Les seules traces de l'humanité se retrouvent dans les constructions des murs, des porches, des rues comme témoignage d'un passage d'humains bâtisseurs. Les poupées sont témoignage d'un autre passage, un passage à tabac.Intrigue d'un vide de l'enfance, tendresse et torture. Ces poupées « Garde à vue pour question posée. Fendues, offertes, délaissées, les deux poupées » pour reprendre un extrait d'un poème de Jean Debernard complètement envoûté par le travail de Raphaël. Dans le Chili, ce n'étaient pas des poupées de chiffon qui étaient démembrées, torturées, les poitrines brûlées avec des cigarettes, les ongles arrachés à l'aide d'une pince à dévisser les boulons. Nuria dont parle Patricio n'était pas une poupée. Un choc terrible me vint de la rencontre de ces poupées avec le recueil de Patricio et ma propre sensibilité. Que sont devenus les enfants qui ont été contraints à abandonner leurs jouets ? Au Chili, hier, mais aussi, aujourd'hui, en Syrie, en Birmanie et dans tant de pays ? Que devient l'humanité quand l'enfance est brisée ? Ne restent-ils que des poèmes et des tableaux ? Quand il n'y a plus d'espoir demeure l'espérance.
Comments