Exposition du 3 au 18 juin 2023, à Simeyrols (Région Nouvelle Aquitaine), vernissage samedi 3 juin à partir de 18h
Catalogue de l'exposition : LIEN
du 4 au 28 novembre 2022, à Montpellier (Région Occitanie), vernissage vendredi 4 novembre de 18 à 20h
Ça nous regarde
Dans Good Morning Babilonia, film de Paolo et Vittorio Taviani, la famille toscane Bonanno, fière de l’ouvrage accompli depuis plus de mille ans dans la construction de monuments qui témoignent de sa maîtrise du travail de la pierre, revendique la dimension culturelle de son métier. Dans le Hollywood naissant que raconte le film, artistes et artisans œuvrent de concert à la création de Intolérance de David Wark Griffith. Chez le plasticien Serge Griggio se retrouve cette fusion de l’artiste et de l’artisan. Filiation non pas florentine, comme pour les Bonanno, mais qu’il tient de ses origines vénitiennes.
Serge Griggio pose son regard autour de lui, au plein feu de l’humaine condition. Il insuffle sa vitalité dans sa façon singulière d’appréhender ce qui nous borde, nous habite, parfois nous abandonne. Grâce aux différentes techniques picturales qu’il pratique, Serge Griggio avance, cherche, tâtonne en rêveur, en lutteur, loyal et affranchi. Que recherche-t-il dans les matières, les matériaux qui l’entourent ? Jusque dans la pierre qu’il côtoie depuis peu. Les situations du quotidien apparaissent sous la pointe des pinceaux, des couteaux, des ciseaux, à l’abord du papier, de la toile, de la pierre. Son regard embrasse : un fauteuil dans un coin d’atelier, les SDF qui fouillent les poubelles, des passagers en attente dans une gare… Ça nous regarde. Soudain, ça fait évènement. Que se dissimule-t-il derrière l’acronyme SDF ? Qui sont, aujourd’hui, les Sans Domiciles Fixes qui parcourent la planète Sous Diverses Frontières ? Qui seront-ils demain ? Ne nous arrive-t-il pas de nous retrouver dans leur marche, leurs dos voutés ? Nous détournons la tête – ou pas. Qu’est-ce qui attend l’humanité ? La culture immatérielle peut-elle être épargnée par les bombes, missiles et autres armes thermo-bariques,… ? De Troie, demeure le chant d’Homère ; en Ionie trône un champ de ruines. Ces passagers, sous peu, deviendront-ils des réfugiés ?
Lors de la préparation de l’exposition a éclaté la guerre en Ukraine. Borromée ne pouvait en ignorer les horreurs qui s’ajoutent à celles de Tchétchénie, de Syrie et d’autres et d’autres pays. Les toiles de Serge Griggio Les otages (2017) et Les animaux (2006) sont soudain devenues d’une féroce actualité.
L’artiste avait initialement proposé à la galerie de présenter une partie du travail qu’il avait effectué à Toulouse dans le cadre d’une résidence à l’ENSAV :
une toile représentant une série de fauteuils de cinéma vides et vus de dos. Nous lui avons suggéré de réaliser une toile à partir de fauteuils de salle de spectacle vus de face – en rapport avec le théâtre de Marioupol détruit lors du bombardement du 19 mars 2022. Le regardeur, face aux fauteuils, placé sur scène, ça le regarde. Il est embringué, il devient acteur. Serge Griggio se mit à créer une œuvre à partir du cinéma détruit à Pripyat, village ukrainien. Face à l’œuvre, le mutisme saisit la parole et confirme les dires d’Edward Hopper : « Si vous pouviez le dire avec les mots, il n’y aurait aucune raison de le peindre ».
L’univers de Serge Griggio foisonne, donne à exister, pousse à questionner, aiguillonne, exhorte à indéfiniment chercher et étayer la place d’humain, la nôtre, la sienne. « Moi, pressé de trouver le lieu et la formule » avait écrit Arthur Rimbaud. L’artiste cherche sans relâche le lieu et la formule avec les encres, les huiles, les pierres. Advenir appelle tout un monde. Serge Griggio explore, sans relâche, peinture, gravure, dessin, sculpture … Entêtement à révéler ce qui échappe ? Et lorsqu’il expose, il s’entoure : écrivains, musiciens, chanteurs, conférenciers. Que les arts s’épaulent. Que partage et générosité accompagnent son geste et son allant créatifs. Tout un monde que Serge Griggio affectionne d’offrir. Tout un monde dans lequel chacun lit sa part de responsabilité, dans lequel irrémédiablement, ça nous regarde.
Alain de Caprile
Μασσαλια
Été 2022
Catalogue de l'exposition : LIEN
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